Loin de nous l’idée de vouloir jeter l'opprobre sur Giraffe & Annika car nous sentons toute l’honnêteté de ses géniteurs qui ont cherché à éblouir le jeune joueur. En oubliant probablement la notion de compromis, capitale dans ce type d’exercice. On ne reprochera pas au titre de tenter quelque chose mais le manque de finition est bien trop flagrant pour faire lever les foules. Pire : le jeu manquera dans certains pays ses objectifs. En omettant une traduction fr, Giraffe & Annika se prive de sa cible, les enfants, obligatoirement accompagnés par des adultes qui ne crieront pas à l’enthousiasme exacerbé. Mal finalisé sans être une catastrophe industrielle, la création se condamne elle-même à l'appartenance au jeu alternatif alors que son concept repose sur la découverte de genre. Une sacrée dualité qui accompagne Giraffe & Annika tout au long du périple où chaque coup de génie est assombri par une ambition trop élevée. Comme ce joueur qui dribble toute la défense adverse pour échouer seul devant le but vide. Fichtre ! Que nous sommes intraitables en ce jour ! L’introduction vous laissera l’explication et ne soyons pas de simples parasites. Non, nous voyons quelques bouffées d’air frais qui orienteront le studio si celui-ci tient la barre de ses points forts en esquivant les méandres de la tentation boulimique. Encourageons les développeurs en leur donnant rendez-vous pour leur prochain chapitre !
Les plus
Les moins
S’il y a bien un point sur lequel nous resterons inflexibles, c’est bien sur ce rapport à l’enfance. Ainsi, lorsque nous avons reçu le test de Giraffe & Annika, nous étions à 1000 lieues de croire que nous évoquerions cette réflexion aujourd’hui. Nous étions bien incapables d’imaginer la nature du jeu en question, jusqu’à ce que nous regardions les trailers traînant par-ci et par-là. De là renaquit notre sens aiguisé pour soutenir notre leitmotiv devenu dogme : que l’expression “c’est pour les enfants” ne soit pas galvaudée. Certes nous ne sommes pas les seuls à le dire, et c’est tant mieux. Mais impossible de supporter cette erreur rhétorique infâme. Souvent, ces quelques mots sont exprimés pour justifier la bêtise profonde d’une oeuvre, comme s’il s’agissait d’une excuse en guise de joker. Vil mépris vain voire même langage quasiment ordurier à notre sens, reléguant nos chers bambins au stade de gamins sans cervelle. Or, les balbutiements de nos passages sont les terres sur lesquelles se cultivent le goût et les codes. Tout cela reste rattrapable plus tard nous diriez-vous, à raison. Toutefois, personne ne se détache complètement de ses fondations, aussi est-ce important que celles-ci soient solides. C’est en cela que nous sommes intransigeants lorsque nous nous trouvons face à une création pour un public plus jeune, prêts à dégainer si le constat précédemment évoqué fait corps avec l’âme du produit. Point de frilosité, non. Juste une aptitude qui ne tolère pas la clémence. Si, vous le savez, nous sommes relativement en froid avec le marché des AAA, nous estimons que les récits les plus complexes concernent ces productions dont le budget est limité, nécessitant un savoir-faire sans faille et du génie dans l’imagination. De quoi mettre une terrible pression. Notre bienveillance domine toujours et la voilà entravée face à de multiples sentiments. On vous ouvre notre nouveau carnet des rêves dès à présent !
Annika lecteur
Giraffe & Annika est avant tout un conte aux airs simples. Et on ne va rien cacher : l’histoire est épurée, pas forcément transcendante en dépit d’une montée en puissance émouvante sur le finish. Pas de quoi crier ni au génie, ni au scandale. Un synopsis classique (la jeune fille amnésique), un largage sur une île qui sera au centre de nos préoccupations dans cette diégèse, et un personnage servant de guide pour monter le duo. De la magie, des rencontres toutes plus improbables les unes que les autres et en route pour la plongée dans ce monde onirique. Sans parler d’un antagonisme récurrent mais nous nous arrêterons là.
Sur ce point, rien à redire ! L’aventure est narrée efficacement, en dépit de certaines longueurs, et la mise en scène est efficace. Pas de voix, juste du texte. La mayonnaise prend bien et nous saluons les saynètes des souvenirs, toutes crayonnées dans un style manga choupi. D’un désintérêt initial a surgi une envie de connaître le dénouement, signe d’une progression efficiente malgré des débuts poussifs.
Il faut dire que la Direction Artistique est travaillée en ce sens. Alors Ok Annika, la protagoniste que vous dirigez, possède les traditionnelles oreilles et queue de chat et son caractère est celui des filles version Jap’ que votre rétine reconnaît entre mille. Gentille et dévouée, un peu idiote et pleine d’enthousiasme. Mi-humaine, mi-chat, de la race Felycan, elle sera celle qui parcourt les plaines. Là ne réside pas l’essentiel et heureusement ! Le chara-design est là pour assurer le coup avec quelques franches réussites, à l’exception des mobs qui se ressemblent tous. Cela fait le café, en dehors d’une animation aux poires : en 2020, voir un écran noir quand on monte une petite échelle, ce n’est pas acceptable.
Un aperçu de l'ambiance qui règne !
Giraffe bien faire un tour (du côté de chez Swann)
Il faut cependant reconnaître à Giraffe & Annika un chouette rendu graphique et des couleurs bien inspirées en plus d’un jeu de lumière éclatant (le jeu intègre le cycle jour/nuit mais nous y reviendrons). Certaines tares montrent néanmoins le bout de leur sale groin, entre un manque de finition à certains endroits, textures floues ou bugs de collision en tout genre. Rien de bien grave, d’autant plus que la surface de jeu est acceptable et la profondeur de champ très correcte.
Rendons hommage également à l’OST. Oui, les boucles sont répétitives mais jamais pénibles, d’autant plus qu’elles s’enchaînent avec une certaine fluidité. L’ambiance est donc posée. Certains y verront du Miyazaki dans l’assemblage de tous ces éléments, ce à quoi nous rétorquons que nous en trouvons quelques inspirations sans la profondeur. Même si nous devons concéder que plusieurs thèmes y font référence sans jamais rechercher la complexité démentielle.
Quelques ralentissements seront aussi à prévoir. De façon identique, ce n’est pas le plus gênant. En outre, cela agace toujours. Vous verrez aussi quelques vilains pixels d’un autre âge en ouvrant des portes de sortie vers l’extérieur ; une nouvelle fois, que l’on ne s’y trompe point. Le jeu assure sur ce plan avec son budget moindre sans avoir à rougir de sa prestation.
Une bonne manière d’initier les plus jeunes aux joies de l’aventure avec une petite histoire facile ? Presque…
De là provient la première cagade importante du titre : il n’est tout simplement pas traduit. Oui, nous savons que cela est rarement le cas avec NIS et que le niveau d’anglais n’est pas trop élevé. Allons dire ça aux petits qui se retrouvent perdus et qui doivent demander l’aide de grande soeur ou grand frère, maman ou papa, tata ou tonton ou qui vous voulez…
C'est tout mignon et c'est suffisant !
Annika r’dit
“L’occasion de passer un moment en famille !”. D’un sens, c’est exact. De l’autre, l’adulte appelé en renfort sera probablement moins prompt à accepter les défauts de Giraffe & Annika. Pourquoi ?
Zelda. Voilà, c’est dit ! Sous ses airs taquins, le jeu n’est qu’une simplification du genre déjà abordable, mais tellement plus dense.
N’allez pas croire que nous comparons l’incomparable ! Mais il y a tellement plus à faire dans la production actuelle qu’il nous paraît compliqué pour le jeu de sortir des sentiers battus, surtout à un prix aussi élevé que rédhibitoire. “Tout ça pour un manque de traduction ?”. En partie. De prime abord, cela suscite l’incompréhension quant à la stratégie de marketing qui arrive à louper le coche de son public à cause d’une simple décision.
A la limite, ce n’est pas de notre ressort. Et il est vrai que tout n’est pas à jeter, loin de là. L’ergonomie est correcte et si la panoplie des mouvements est très restreinte au début, elle s’étoffe au fur et à mesure de votre avancée et de votre réussite dans des zones bien particulières.
Pour faire simple : le jeu se divise en 3 activités. La “promenade” sur l’île en monde ouvert, avec quelques limitations effectuées par verrouillage de portes dont il faudra trouver la clé, les phases de donjons et les boss. Pour le premier cité, sachez que cela reste dirigiste. Le problème ? C’est que les indications sont maigres et il est possible de rester coincé comme un bleu juste parce qu’une conversation avec un PNJ en particulier n'a pas été établie. Nous finissons toujours par nous en sortir mais allonger la durée de vie ne doit jamais s’accompagner d’une perte de temps !
Au-delà de ces ratages, quelques idées sont à découvrir. Déjà, les petits secrets, amoureusement nommés les “ meowsterpieces” sont disséminés un peu partout, vous donnant accès à une possibilité de changement de fringues par exemple en les collectionnant. De plus, le cycle jour/nuit précédemment évoqué permet de traverser des zones inaccessibles à un moment donné avant de s’ouvrir. Pas foufou mais bien vu pour une entrée en matière.
Des effets simples et réussis.
L’eau rend Giraffe
Et les donjons alors ? Infects, à l’exception peut-être de celui du feu. Le principe est simple (au début) : les traverser pour trouver une possibilité d’acquisition d’habilité (un move supplémentaire en gros). Cependant, que le level-design est fainéant ! Si, sur la carte, tout semble bien vide, un peu de verticalité donne du baume au coeur. Dans ces espaces, peanuts.
Vous irez le plus souvent tout droit, en essayant de ne pas tomber (ce qui n’est pas toujours facile au regard de l’imprécision globale). Certes la caméra, en dépit de quelques boulettes, suit assez bien l’action avec l’opportunité appréciable de la reculer. A part ça ? Vous esquivez des fantômes, trouvez quelques coffres annexes et vous en avez marre.
Au point d’essayer de tracer le plus vite possible. Coquin de Giraffe & Annika ! Certains moments sont juste là pour vous ralentir. Oui il y a quelques petites énigmes, qui pour le coup extirpent le jeu du Fedex de la carte (“va me chercher du bois ! Puis des lapins ! Puis…”). Et il y a aussi ces instants où le manque de rythme sort du bois, comme ce passage terrible des bateaux, irritant.
Cela descend l’exigence qualitative en flèche. Ne partez pas ! Les boss sont là pour sauver et récompenser le voyageur fourbu de ces traversées pas folichonnes. Constituant un jeu de rythme bien foutu, vous connaîtrez diverses progressions sans trop transpirer. Oui, comme le reste, le challenge est quasiment inexistant (à part, peut-être, cette fin qui surprend un peu). En ce sens, le système classique de notation sanctionne vos exploits, prenant en compte “miss”, “good” ou encore “great”, symboles de la justesse de vos appuis sur les boutons à un moment plus ou moins précis. La musique et les indices visuels sont de la partie, rien de bien complexe. La possibilité aussi de calibrer lesdits appuis dans les options est une riche illumination.
Le principe des boss est le mieux agencé.
L’affaire Felycan
Pour augmenter un peu la pression, ou au contraire laisser les débutants prendre leurs marques, 3 niveaux de difficulté sont disponibles (les classiques “facile”, “normal” et “difficile”) pour ces joutes musicales. De quoi pousser à s’améliorer et à prendre conscience des joies du scoring. C’est aussi ce qui péjore Giraffe & Annika : pourquoi vouloir jouer sur 50 tableaux plutôt que de mettre toutes ses forces sur un item ?
Exploration, énigmes, rythme, arcade… cela ne fait-il pas beaucoup pour un jeu de cet acabit ? La question est posée et trouve une réponse assez nette à notre sens. Toute qualité se doit d’être mise en valeur, quitte à laisser des concepts sur le carreau. Ce n’est pas un procès d’intention, car nous sentons que les développeurs ont voulu bien faire. Sauf que trop c’est trop.
Par bonheur, le gameplay ne dispose pas de latence, malgré les imprécisions des sauts notamment. Cela est fâcheux, ce pour quoi les plateformes restent généreuses. Nous vous le disions : quelques recherches font du bien et vous trouverez du soin à foison à stocker dans votre sac ou à consommer immédiatement. Des halos de lumière rempliront aussi ce job. Idem, rien à redire. Les indices visuels sont toujours là pour compenser le manque d’indication et les mouvements qui s’étoffent rendent le jeu plus attractif.
Oui car au début… impossible de bondir ou courir par exemple. Cela viendra par la suite, tout comme cette possibilité d’effectuer des photos qui se révèle fort appréciable. Elémentaire ? Assurément.
La mignonitude, les trouvailles d’objets ou encore la sympathie dégagée par certains protagonistes empêchent grandement le naufrage. Tout comme l’humour distillé (la possibilité d’aller aux WC ayant fait énormément rire les filles ici !) et les possibilités de se faciliter la vie (dormir au lieu d’attendre que l’heure passe, classique et efficace).
Pour le reste ? Un paradoxe. Monstre superbe et difforme à la fois, Annika & Giraffe nous fait plaisir sur des axes précis pour nous casser les côtes dans la foulée. Nager, c’est top ! Sauf que mourir rapidement (malgré l’apprentissage qui viendra assez tôt) car une jauge de respiration n’a pas été implantée, c’est juste médiocre. Autant tirer sur la jauge de vie… mince, c’est ce que fait le jeu ! Et que dire de la durée de vie ? En flânant un peu, vous dépasserez les 5 H. Pas plus.
De quoi écourter le moment en famille. Reste les artworks à admirer et le souvenir des rudiments enseignés. Puis l’envie de s’attaquer à un autre jeu d’aventure, histoire de se frotter à l’essence du jeu vidéo !
La "scène-type" du jeu !