Non, Dragon Quest ne cédera pas ! Hors de question ! Si beaucoup de licences ont défié le temps en cherchant à se moderniser, voire rebooter, cet opus est bien la preuve qu’il est possible de traverser les époques sans être obsolète. Certes, nous pourrions croire qu’à force de jouer la tête brûlée en refusant de modifier les bases, la saga risque de se cramer les ailes avant d’exploser en plein vol. La réponse est sans contestation possible : en avançant selon l’adage de “la force tranquille”, DQ XI prouve qu’il fait bien plus qu’exister dans le paysage du J-RPG et même au-delà. Assumant sa politique opposée aux Final Fantasy, l'œuvre toute entière se hisse vers les sommets de son genre, comme cela est le cas depuis de nombreuses années. Et pour cette cuvée ? S’il est indéniable que ceux qui ont découvert cette galaxie avec le 8 resteront nostalgiques de ce dernier, tout comme certains puristes soutiennent le 7ème sans vergogne, le 11ème frère n’a pas à rougir de sa prestation, loin s’en faut. Oui, il déborde de classicisme et ne s’engouffre pas dans les terres arides des concepts modernes. “Et alors ?” serions-nous tentés de dire ! Il n’en demeure pas moins une valeur sûre qui vous promet une belle expérience, augmentée par cette édition ultime qui, en plus d’intégrer des ajouts indéniables (provenant de la 3DS à l’origine, ou non) nous offre le luxe de la version ultra old-school qui apporte paradoxalement son lot de fraîcheur. Un autre habillage pour le même conte. La preuve que finalement, nous ne vieillissons jamais réellement. Les vieux rois sont indétrônables.
Les plus
Les moins
Il y a des faits qui ne trompent guère et des œuvres portées par des immortels. La saga Dragon Quest est de ce tonneau, soutenue par Yuji Horii en directeur/producteur, l'inénarrable Akira Toriyama pour les personnages notamment et le vétéran Kōichi Sugiyama à la baguette. Un trio magique comme dirait l’autre, qui ne cesse de porter le J-RPG vers les sommets, pendant longtemps au grand dam de l’ex-série concurrente, Final Fantasy. Si durant une période interminable, la plupart des portes furent fermées aux Occidentaux pour goûter aux mets délicats que représente la licence, c’est bien L’Odyssée du Roi Maudit, sur Playstation 2, qui a démocratisé l’esprit de la production de Enix. Un travail d’orfèvre réalisé par les mains toutes moites de Level 5 qui avait mis une sacrée raclée au monde vidéoludique. En dépit d’éléments connus jusqu'au bout des ongles par les fans du genre, la formule était nette et sans véritable fausse note. Une acclamation quasiment unanime et un retour de flamme enchanté de la part des joueurs qui amènera la venue fréquente de la marque dans nos contrées. Avec le plus souvent des améliorations par rapport à la version du Soleil-Levant, où DQ montre en général son museau en avance. Sorti sur nos plateformes depuis quelques temps déjà, le 11ème opus bénéficie aujourd’hui d’une version ultime issue de la Switch. L’occasion de replonger ? Il n’y a qu’un pas…
Quest qu’elle a ma gueule ?
Autant jouer la carte de la franchise : bien des ajouts parsèment Dragon Quest XI S, et ils sont particulièrement pertinents. De là à refaire passer à la caisse les aficonados s’étant déjà frotté au périple ? La question mérite d’être posée et il est particulièrement difficile d'être catégorique. Certes, le titre se pare d’atouts fabuleux qui alimentent encore la profondeur et les possibilités proposées, sans que l’expérience de base ne soit entièrement modifiée. Enfin si vous optez pour le mode 3D mais comme à notre grande habitude, nous y reviendrons.
Au rayon des défauts qui nous laissent pantois, sachez que DQ XI S est victime d'un downgrade graphique par rapport à la version de base. Paradoxal ? Pas tant que cela, l’explication étant toute trouvée : il s’agit d’un portage pur et simple provenant de la Switch, avec les concessions adjacentes. Que tout le monde se rassure ! Ce n’est pas laid pour autant et la résolution est bien là. Cependant, observer un peu d’aliasing et quelques rendus moins détaillés, cela a le don de perturber, surtout lorsque nous devrions être en face de la mouture ++. Sans parler du clipping de PNJ !
Rien de bien grave en toute honnêteté, tant la fluidité est de mise et la Direction Artistique étincelante ! Les couleurs sont tout bonnement exquises et le level-design montre quelques touches de verticalité admirables, permettant de contempler des horizons tous plus enchanteurs les uns que les autres. On se perd dans les paysages avec plaisir, tout en profitant d’une profondeur de champ appréciable. Sachant que les décors sont très diversifiés, vous serez de nombreuses fois happé par les ambiances qui se dégagent.
Et que dire de ce chara-design ? Profitant de tout le savoir-faire du créateur de Dragon Ball, il transpire le génie et ce malgré une impression de déjà-vu (“dis-donc ? On ne dirait pas Bulma avec 20 kilos de plus ?!”). Néanmoins, au-delà des visages reconnaissables entre mille, ce sont surtout les accoutrements qui bénéficient d’un soin particulier, faisant des protagonistes des entités fortes de la diégèse. Le bestiaire est quant à lui toujours aussi brillant, fun et attractif (même s’il faudra toujours composer avec la traduction du slime, emblème de DQ, en “gluant”, ce qui est un réel coup dur !). On déplore des animations un peu raides mais il va sans dire que c’est ce côté old-school qui l’exige.
Coloré...et percutant !
C’est quand même pas compli Quest ?!
“Classique”, “à l’ancienne”, “sans fioriture”... sans doute entendrez-vous de multiples qualificatifs. Toutefois, que cela ne berne personne : nous sommes loin de l’obsolescence apparente ! Si Dragon Quest XI S ne prend pas de risque, c’est pour mieux affirmer ses talents qui font sa renommée depuis tant d’années. Quelques petites marques de nouveautés mais celles-ci sont finalement diluées. La politique totalement inversée des FF, dont chaque épisode essaie, avec les pièges que cela comprend, de se renouveler.
Ici, nous sommes face à ce papy qui tente de “rester dans le coup”. Le rythme pourra donc perturber les néophytes, le qualifiant de “lent”, que ce soit dans la construction du jeu et, plus gênant, dans la mise en scène. Et nous ne pouvons pas vraiment contester cet état de fait. Si le scénario n’a rien de transcendant, il fait son office et quelques moments remuent un peu plus le gamer cherchant à ressentir des émotions. L’humour, souvent potache, fonctionne globalement. Seule la narration ne brille pas vraiment.
En ce sens, si vous cherchez la scène légèrement “too much” pour vibrer, alors vous pouvez passer votre chemin. Tout est sobre, direct et pioche aussi dans le cliché. Cela n’a pas tendance à nous perturber, humains vieillissants que nous sommes. En outre, ce paramètre est à prendre en compte. Il ne discrédite en aucun cas le contenu et si les premières heures vous paraissent fortement dirigistes, vous aurez toute l’opportunité de goûter à la liberté un peu plus tard, ce qui vous fera entrer dans la réelle partie, là où DQ commence vraiment.
Pour le déroulé, pas de surprise. A l’instar de ses têtes pensantes, 3 moments distincts se dégagent : l’exploration de la carte, immense et pouvant être traversée avec une monture (rappelable à plusieurs endroits-clé), les combats (sur les prairies ou en donjon) et l’exploration des villes. Ces dernières vous permettront de profiter des habituelles auberges et églises afin de se retaper, relever un allié tombé au combat ou supprimer un effet néfaste. Les emplettes dans les magasins seront aussi l’occasion de dépenser vos précieux deniers acquis afin de renforcer votre équipement, présenté également de manière coutumière.
Une fine équipe !
Quest of the Stone Age
Rien de bien difficile à cerner : tout est accessible et efficace, et c’est la plus grande force de Dragon Quest XI S. Le système de combat, au tour par tour, est un modèle du genre et ne fait aucune fausse note. Si le mode libre laisse un peu perplexe, les déplacements n’étant pas utiles et la vue obstruée, le choix normal vous permettra de ressentir les impacts et donne une clarté sans équivoque.
Une nouvelle fois : rien qui ne sorte des habitudes. L’attaque, la défense, la magie, les compétences et les objets. Tel sera votre panel, avec la particularité de la transformation hypertonique, un mode Super-Saiyan en clair, qui fera suite, par exemple, à la multitude de tartasses subies dans la gamelle ! Cela permet aussi d’activer des combos d’équipe, ce qui relance l’intérêt de certaines joutes. On reprochera quelques errances de l’IA, sans condamner le tout car le merveilleux fonctionne toujours. Les avantages se feront surtout sur votre capacité à gérer buffs et debuffs, une tactique facilement compréhensible.
Les mécaniques, assez permissives, permettent de changer de personnage ou d’équipement sans perdre de tour, et la difficulté est parfois aux abonnés absents. La première moitié est clairement une promenade de santé et il faut bien attendre la seconde partie pour rencontrer un peu d’opposition, surtout si vous cherchez à traîner un peu partout. Ce qui donne une idée de la replay-value : 60h en ligne droite, le double si vous voulez tout accomplir. C’est énorme ! Et si vous recherchez un peu de challenge personnalisé, l’option de quête draconienne fera de vous un joueur heureux ! Quelques restrictions possibles (pas d’achats, défaite si le leader est KO...), des choix drôles, comme la “hontite” (on vous laisse voir !) ou le fait que des PNJ disent n’importe quoi.
Bien sûr, il ne faudra pas s’attendre à des quêtes bien poussées en termes d’écriture, en dépit de ce petit ajout appréciable qui concerne tous les univers de chaque épisode. Qu’il est tentant de vous en révéler plus ! Tout comme cet endgame, prenant et réussi. De plus, chaque lieu connaît des variations belliqueuses selon le moment de la journée et le temps : l’invitation à retourner parfois sur ses pas pour découvrir une opposition plus robuste et, de facto, un meilleur loot, indispensable.
2 visions pour le même scénario. Impressionnant !
A Quest, rien de nouveau ?
Chaque ajout se veut donc pertinent afin de briser la monotonie pour un genre qui pourrait vite être victime de répétitivité. Quelques mini-jeux sont à votre disposition, et le casino deviendra vite addictif ! Même la forge devient attractive et amusante, avec un concept tout simple qui vous demande une justesse pour frapper votre équipement au marteau afin d’en tirer le maximum de possibilités lors de l’amélioration. Elémentaire ? Encore fallait-il y penser !
La progression par niveau ne vous posera pas de problème : elle permet d’un côté un renforcement via les statistiques automatiques et l’octroi de points à dépenser pour maximiser vos aptitudes qui, comme c’est le cas pour la magie, vous coûtent des PM lors des utilisations, imposant une restriction naturelle. Et la spécialisation des héros ne sera pas une réelle interrogation, tant chacun d’entre eux a une voie plus ou moins définissable, entre le healer, l’agile, le mage et tous ces éléments que vous connaissez depuis des années !
D’ailleurs, le soulagement est général lorsque vous verrez qu’en mode 3D, les mobs sont visibles sur la carte, vous donnant la possibilité de les esquiver. Et cela sera vraiment à prendre en compte car le levelling à outrance n’est pas obligatoire. Moins de farm pour plus de fun, telle est la voie ! On pestera un tantinet en revanche contre des menus un peu lourds à digérer, même si une fois domptés, ils seront suffisamment complets.
Une nouvelle fois : rien n’est inutilement trop complexe, que ce soit dans l’utilisation du sphérier ou dans la préparation de sa team ! Tout est fait pour ne laisser aucun joueur sur le carreau. Cependant, simple ne veut pas dire simpliste ! Ouvrir le journal d’aide vous montre à quel point les alternatives sont nombreuses. Par bonheur, les indices visuels sont disséminés un peu partout et la carte est une bénédiction pour ne pas tourner des heures sans retrouver son objectif. Du tout bon qui évite le vide comme excuse de prolongation de durée de vie !
Tout est dit dès le début !
Quest terne moderne ?
Au niveau de l’environnement sonore, le constat est mitigé. Le sound-design n’est pas forcément percutant, même s’il serait ingrat de ne pas reconnaître notre sourire lors de l’écoute de bruits que nous connaissons bien et qui font toujours mouche ! Dragon Quest XI ne cherche en aucun cas à créer une faune et une flore tout à fait immersive, misant beaucoup plus sur la satisfaction de cocher toutes les cases inhérentes aux poncifs du J-RPG. D’un côté, nous sentons bien qu’il ne s’agit pas d’un oubli mais d’un réel parti-pris, légèrement dommageable lorsque nous voyons que, par exemple, les donjons ont bénéficié d’un soin particulier avec des petites énigmes. Une différence de traitement oserions-nous penser !
Quant à l’OST, il faut dire qu’elle oscille entre le fabuleux et le moins inspiré. En dépit d’une réorchestration appréciable, les musiques souffrent d’une redondance assez malhabile, d’autant plus que le jeu est long. Les pistes ne sont pas en nombre suffisant. Bien sûr, l’ami Sugi sait toujours faire des merveilles ! Alors oui, pourrait-on croire à une inspiration moindre ? Ce serait éventuellement faire une conclusion un peu hâtive : il faut aussi prendre en compte que nos esgourdes ont pris l’habitude de son style, si particulier.
Là où le bât blesse néanmoins, c’est dans ce mix audio qui semble un peu déséquilibré. En effet, le son orchestral a une tendance à prendre le pas sur les dialogues, usant de sa puissance. Un défaut facilement réglable dans les menus mais qu’il convient de souligner et également logique. La partition fut conçue initialement lors de la sortie au Japon pour un jeu “muet” ; cet aspect ne fut pas forcément pris en compte et adapté pour la version que nous tenons entre nos mains.
En ce qui concerne les doublages, si auparavant profiter des voix anglaises était la seule manière d’appréhender le voyage, le japonais s'invite désormais ! Et dans les 2 cas, aucun débat n’est possible : le casting est vraiment 5 étoiles et aucune faute de goût n’est à déplorer. Un vrai régal auditif, des intonations justes (bon forcément, pour le héros principal…) et des exagérations toujours maîtrisées ! Un énorme plus, et nous aurions bien du mal à vous conseiller d’opter pour l’un ou pour l’autre. Ce sera selon votre feeling ! A noter que le jeu bénéficie d’une traduction française qui essaie de faire ressortir au maximum l’humour et les jeux de mots sympathiques. Et c’est tout à son honneur !
Une version extraordinaire !
Une belle paire de Quest
“Et quelles autres nouveautés pour cette version alors ?”. En plus de celles déjà mentionnées, d’autres relèvent plus du confort qu’autre chose, et c’est déjà beaucoup ! Ainsi, le fait de pouvoir accélérer les combats est d’une justesse sans commune mesure, surtout lorsque vous devez enchaîner les affrontements avec le menu fretin alors que vous souhaitez avancer. Cela permet d’éviter cet effet de lassitude, surtout que les temps de chargement pour la transition exploration/baston sont relativement courts.
Mais s’il fallait retenir l’intérêt de Dragon Quest XI S, ce serait à notre sens pour 2 choses : les nouveaux arcs narratifs et le mode 16-bit. Pour la première, vous aurez l’occasion de découvrir un pan de l’histoire de vos alliés, les plaçant en tant que personnages centraux de leurs pérégrinations respectives. Cela semble peut-être anodin. Néanmoins, il est indéniable que cela gonfle déjà une expérience stratosphérique en plus d’approfondir un peu la personnalité de chacun. Attention cependant : cela ne pousse pas dans une réécriture totale ! Pourtant cela alimente le capital sympathie de chacun, tout en incitant à la (re)découverte.
Enfin, bizarrerie tout à fait justifiée : le mode 2D rétro. L’occasion de vivre l’épopée comme les premières œuvres, avec sa vue subjective d’origine pour les combats et des informations plus sommaires. Un nouveau point de vue particulièrement appréciable, avec quelques différences notables, comme une map moins grande et des combats totalement aléatoires par exemple. Si le scénario reste totalement identique, les sensations divergent et raviront encore plus les vieux briscards, ceux qui continuent de découvrir les zones avec des bottes trouées.
Une option purement géniale, qui donne l’impression d’un jeu “tout nouveau” qui raconterait la même chose tout en choisissant son propre chemin. Comme si les développeurs tenaient à retourner auprès de leur premier amour, en donnant hommage aux essais du passé. Un grand moment de jeu vidéo (vos serviteurs ayant quasiment préféré cette mouture !) qui, au-delà de sa qualité, peut servir d’objet historique, notamment auprès des plus jeunes. Comme pour leur montrer que dans les années 80, les bases étaient là et que l’évolution du média ne peut le nier ! Tout juste regrettera-t-on la difficulté pour switcher entre les 2 versions. Sans doute cela est imputable à un trop grand défi technique, mais il est vrai que la procédure est fastidieuse et que vous ne pourrez pas reprendre votre partie là où vous en étiez, seulement au début du chapitre concerné. Fort heureusement, le principe de save est efficient et minutieusement réalisé.
A l’image de cet opus, sans grande prise de risque malgré une précision chirurgicale qui nous laisse abasourdis.
Le classique duo d'origine. Qui ira jusqu'au bout ?