Note du test 7.5/10En conclusion :

Que l’on soit familier ou non avec le genre choisi, impossible de nier que The Sinking City est singulier. Là où d’autres productions misent sur l’action saupoudrée d’énigmes, le jeu inverse le processus en prenant le risque de transposer le tout dans un monde ouvert. Artistiquement, pas de débat possible: l’ambiance est instaurée avec aisance et brio. La peur est palpable en se révélant très subtile, dévorant votre esprit pour mieux jouer avec vos sens. On pestera devant des lacunes techniques et des animations un peu justes en plus de phases d’action peu excitantes mais ce serait faire un faux-procès à un jeu qui tente de faire évoluer la formule d’un style aux lignes qui ont du mal à bouger. Fascinant, étrange et intrigant, The Sinking City est une production curieuse qui mêle mystique et épouvante avec panache et identité sans que nous ressentions un excès de zèle de la part de ses géniteurs. Une manière d’appréhender l’univers de Lovecraft et ce qui en découle, en rendant un vibrant hommage au matériau d’origine. Agréable malgré ses défauts, le soft se place dans la catégorie des rejetons imparfaits mais dotés d’un génie perceptible. “Deviens le grand oeil fixe ouvert sur le grand tout”.

Les plus

Un univers impressionnant
Une écriture chevronnée
Une OST parfaite
Durée de vie
La liberté du joueur

Les moins

Techniquement en deçà
Le feeling des armes
Pas d’échec lors des déductions

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    rédacteur
    NoBloodyKnows


  • ps4

    The Sinking City
    Editeur : Big Ben Interactive
    Développeur : Frogwares
    Genre : Aventure
    Etat du jeu : Jeu disponible
    Date de sortie : 27 Juin 2019
    Trophées : Oui
    Support


    version éditeur

    Test The Sinking City

    Publié le Dimanche 07 Juillet 2019 à 09:51 par NoBloodyKnows
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    Il est toujours gênant, voire vexant, de le reconnaître mais les faits sont là: lorsqu’il s’agit d’horreur et/ou d’épouvante, votre duo de rédacteurs du NBK se métamorphosent soudain en une petite fille et un garçonnet. Nous y voyons peut-être un bon signe indiquant que les codes de la peur instaurés fonctionnent. Pourtant, certains paraissent édulcorés et conservent leur aura uniquement par tendresse nostalgique. On ne frissonne plus devant le jumpscare du chien de Resident Evil mais on aime ce passage vénérable. Ce qui n’empêche en aucun cas à d’autres formes de terreur de traverser les époques, insufflant la phobie des premiers contacts. C’est aussi en cela que nous avons toujours été les apôtres de la série de Konami, dont le sort funeste du dernier épisode prévu par Kojima/Del Toro a fait couler beaucoup d’encre. Surtout pour son deuxième acte, vieillissant et à la fois intemporel. Mais trêve de bavardages: Frogwares, dont les frasques élémentaires agitent le célèbre Holmes, propose d’approcher la frousse autrement. Un projet ambitieux, des références à la pelle et une identité affirmée: pas de doute, le studio veut proposer son concept en le tenant éloigné du reste de la production. Un écho favorable plus tard auprès de l’éditeur Bigben Interactive et nous voici face à la ville engloutie, en pleine Prohibition. Allumez vos lampes et surveillez vos arrières...nous entendons comme un gémissement…

     

    Terres à Reed


    Avant toute considération, petit état des lieux pour ceux qui auraient été imperméables (oui, nous avons osé…) à la communication autour du titre: The Sinking City met en scène le détective privé Charles Reed, vétéran de la Première Guerre Mondiale, en proie à des hallucinations toutes plus glauques les unes que les autres. Attiré par la ville de Oakmont, entièrement dévastée et remodelée depuis le phénomène de “l'Inondation”, les investigations peuvent commencer. Vous devez en apprendre plus sur les habitants, les monstres et…vous. L’enquête commence dans ce jeu à énigmes à la forme bien spécifique.

    Nul besoin d’aller plus loin ou de divaguer. Vous aurez évidemment reconnu un synopsis que n’aurait pas renié Lovecraft. En hommage absolu, le jeu regorge de références à son oeuvre ainsi que son influence encore très marquée. Si vous êtes étrangers au mélange savoureux fantastique/science-fiction, nous ne saurions que vous conseiller de vous jeter sur les écrits du sieur, L’appel de Cthulhu et Le Cauchemar d’Innsmouth en tête.

    De l’ésotérisme, l’émergence de nouvelles croyances, le cosmique et l’interdit...des notions que vous retrouverez par paquets ici, sans dégouliner disgracieusement. Nous sommes face à un melting-pot élégant comme le faisait si bien la série des Arkham pour le Justicier chauve-souris. De l’or pour les fans mais que les néophytes se rassurent: l’ensemble est bien amené et même une méconnaissance totale de l’univers n’empêchera pas d’y trouver son compte, The Sinking City pouvant se montrer très généreux dans votre initiation.

    Il s’agira ainsi pour vous de vous déplacer dans un open-world de taille modeste en comparaison à ce à quoi nous sommes désormais habitués, mais totalement en adéquation avec le rythme et l’expérience proposée. L’idée est de ne vous donner aucune indication sur votre prochaine étape. Un “système D” qui fait du bien, respectant le joueur en évitant soigneusement les balises si lumineuses qu’elles en bousillent le décor.

    Charge à vous de choisir comment vous mènerez vos aventures et vos enquêtes, simples d’accès et bien pensées (nous y reviendrons). Cependant avant toute chose, autant gérer le sujet qui en fâchera quelques-uns: la technique.

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    You're welcome...

    L’oeil du Reed


    Ne soyons pas farouches et n’ayons pas peur de notre positionnement sur le sujet. On ne note pas un AA comme un blockbuster. Pourquoi? Ce serait d’un mauvais goût intense en omettant la démarche de ces productions semi-poids lourd, à savoir proposer quelque chose de différent sans avoir les moyens des mastodontes du jeu vidéo. Cela nous donne d’ailleurs des perles, à l’instar du récent A Plague Tale: Innocence (testé sur PSMag), et la démarche nous invite à la découverte sans se revendiquer toutefois de l’indé ou du jeu de niche.

    Alors oui, avons-le de suite: The Sinking City n’est pas une tuerie sans tâche. Visuellement, le titre s’en sort vraiment bien dans ses décors avec une direction artistique génératrice d’une ambiance atypique et réussie. En raison de son refus des couleurs vives, de sa noirceur contrastée par une lumière saturée ou encore par sa vision du délabrement et ses vastes étendues d’eau, le jeu se situe à mi-chemin entre Silent Hill et Dishonored dans sa représentation. D’autant plus qu’il n’a jamais autant plu depuis Heavy Rain et on décèle parfois du Bioshock dans les lignes de code.

    La volonté a toutefois un prix et certaines animations paraissent bien rigides, un écueil d’autant plus visible sur certaines occupations des PNJ dans la ville, marchant jusqu’à buter sur quelque chose pour mieux faire demi-tour. Nous pourrions aussi évoquer une profondeur de champ un peu limitée. Coup de chance ou non, cela donne l’impression d’être étouffé, prisonnier paradoxalement d’un si grand espace écrasant.

    Au niveau de la modélisation des personnages, la clémence sera moins évidente. Si notre héros et les “hybrides” s’en sortent bien, certains humains sont découpés à la serpe. Ce ne serait pas si important si le jeu évitait la maladresse de la réutilisation de skin pour certains visages...ce qui vous fera sourire la première fois avant de lâcher un “sans déconner?!”.

    Du clipping est aussi à signaler mais nuançons les choses: dans un monde ouvert, il s’agit hélas presque d’une coutume, tout comme certains bugs qui entachent la progression. Rien de véritablement embarrassant, juste un peu incommodant.

    Tout cela est bien réel, nous en sommes conscients.

    Néanmoins il serait injuste de condamner The Sinking City qui, malgré ses quelques crasses, sait manier la générosité voulue par ses concepteurs.

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    Réel?

    Reed vers Bond


    On pourrait résumer que le budget serré a directement influé. N’oublions cependant jamais que le fond parfois sublime la forme.

    En pensant immédiatement à Deadly Premonition, qui disposait de tares bien plus perceptibles, nous n’avons pas manqué de constater à quel point il est devenu culte auprès d’une frange de joueurs, dont nous faisons partie. Un grâce accordée par une transposition parfaite de l’univers de Lynch. Le tout malgré un gameplay parfois pénible.

    Une maladresse que The Sinking City évite partiellement. Effectivement, les fusillades manquent de peps et le feeling des armes ne dispose pas d’un rendement satisfaisant. La hitbox des ennemis n’est pas non plus toujours claire et le càc est parfois imprécis. Sans parler de catastrophe, cet aspect “action” n’est pas attrayant sans se révéler inacceptable. Ces phases ne sont pas légions ni au coeur de l’aventure car il faudra souvent penser à la fuite histoire d’économiser ses munitions et ses soins, ce qui fonctionne très bien. La mort ne sera en outre pas punitive, mais autant rester lucide et progresser quitte à faire preuve de couardise.

    La relative faiblesse physique de Reed sera également un signe tout comme sa jauge de folie qui, une fois vidée, vous surprendra plus d’une fois dans sa mise en scène. Filtres graphiques à la Haunting Ground, effets de caméra étirée, hallucinations dérangeantes, sons déformés...la réussite est là avec un sound-design qui retranscrit à merveille l’impact psychologique sur votre personnage, confronté à des horreurs silenthilliennes et à ses propres peurs.

    Une vision du trouble psychologique qui fait jeu égal avec le grandiose The Evil Within qui exposait la déraison de manière brutale visuellement. Ici, on vous jette à la face le doute et le sentiment d’être perdu, se demandant ce que nous faisons en ce sinistre endroit. Cependant, certains lieux font écho à l’oeuvre de Mikami et nul doute que l’asile vous évoquera le reflet de l’hôpital de Sebastian Castellanos.

    Pentacles, grognements, paroles cryptiques, difformités...rien ne vous sera épargné pour que vous sombriez à votre tour. Un travail qu’on ressent dans le montage lors des rares cinématiques, habilement travaillées. Le reste de la narration se retrouvera plus éclaté et la mise en scène plus minimaliste, à base de dialogues alternant champ et contrechamp. Un classique dans le jeu d’énigmes certes mais une contribution à l’aura du titre qui distille l’inquiétude et le malsain avec brio. A Oakmont, c’est bouche cousue. Parfois au sens propre...

    Disposant d’une VF intégrale, celle-ci se révèle efficace et si quelques loupés sont à relever, nous ne gardons en mémoire que les meilleures performances en octroyant une mention spéciale à Reed et à Brutus.

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    Un danger dérangeant!

    Reed for Speed


    En plus de plans mystérieux, The Sinking City s’approprie une OST diablement efficace, tout aussi discrète que grandiose. Toujours dans le ton, elle épouse la forme du dessein des développeurs, engagés à nous fasciner. Et comme Alan Wake en son temps, nous nous sentons happés par ces choses qui nous dépassent entièrement en nous attirant subtilement dans leur filet. Lovecraft on vous dit!

    La qualité d’écriture y est pour beaucoup. Que ce soit pour les enquêtes principales ou annexes, tout est bien amené, infligeant une énorme claque aux adorateurs du Fedex. Vous n’aurez pas besoin ici de chercher des grenouilles (oui nous nous acharnons sur ce quinzième opus!): chaque à-côté est une tentacule d’un tout, enrichissant un background pétri de qualités. Car au-delà de l’aventure en elle-même, la suggestion d’un passé trouble se répand de manière nauséabonde. Et parfois franchement troublante.

    Une narration “de recherche” donc, au service du mythe de Cthulhu, que vous serez amenés à découvrir par le biais de résolutions d’enquêtes aux thèmes parfois ravageurs, voire écoeurants. Concrètement, il s’agira pour vous de fouiller les endroits propices à faire avancer l’intrigue. Mais avant il vous faudra trouver ces lieux, uniquement évoqués. A votre charge de les localiser sur la carte où vous pouvez mettre vos annotations. Ainsi, ce sera à vous seuls de placer les repères.

    Une phase d’exploration loin d’être désagréable, facilitée par les cabines téléphoniques à découvrir permettant le fast-travel entre les différents quartiers. Cela imposera un temps de chargement mais l’idée d’éviter de tout traverser à chaque fois est un soulagement, histoire de rester concentré sur vos actions surtout lorsque vous vous rendrez compte que vous êtes en train de flâner vers d’autres affaires que celles du fil rouge, et ce depuis 1H ou 2!

    Il vous faudra analyser vos documents puis décider de ce que vous allez faire. Souvent, les archives (de la police ou de la bibliothèque par exemple) seront de précieuses alliées. En y associant 3 notions suggérées par vos notes, vous pourrez découvrir où aller et poursuivre votre travail.

    Ne vous méprenez pas: le jeu n’a rien d’un casse-tête infaisable et les énigmes restent abordables car toujours limpides. Il est possible d’augmenter leur difficulté (tout comme pour l’action), où le soft vous facilitera moins le labeur en supprimant pictogrammes et en faisant de moins en moins le lien entre vos efforts. Et au plus haut degré, sans vous préciser si vous avez récolté le nombre de preuves nécessaires…

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    Des PNJ...particuliers.

     

    Assassin Reed


    Au niveau des recherches, vous allez fouiner à la pêche aux indices. Parfois vous ramasserez simplement un item essentiel après avoir scrupuleusement inspecté la pièce mais de temps à autre il vous faudra utiliser votre “oeil”, sorte de compétence extra-sensorielle permettant de mettre à jour ce qui ne peut être vu de prime abord. Efficace, cela vous permettra aussi à terme de visualiser certaines scènes que vous devrez remettre dans l’ordre afin de saisir ce qu’il s’est produit auparavant.

    A vous aussi d’orienter les différents dialogues pour obtenir des informations cruciales dans la résolution des mystères. Ce sera ensuite le passage par “le palais de la mémoire” qui vous permettra de faire les associations de vos trouvailles pour en tirer les conclusions. Cela peut paraître fastidieux mais il n’en est rien. D’ailleurs, aucun échec n’est possible et aucune “mauvaise déduction” n’est à déplorer. Un peu dommage en soi mais le tout est rattrapé par la notion de dilemme et de parti à prendre car selon ce que vous savez, plusieurs possibilités se détachent.

    Jamais manichéen, ce sera à vous de trancher sachant qu’il y aura toujours un hic. Aucune voie n’est parfaite et vous prendrez ce qui vous semble le plus juste ou, tout du moins, “le moins pire”. Les conséquences de vos actes seront d’ailleurs consultables à votre QG et parfois vous aurez vraiment la sensation de malaise. Et si vous vous étiez trompés? A vous de façonner Reed comme vous le pensez, tout en assumant les conséquences.

    Ludiquement, vous serez aussi responsables des spécificités du détective via un arbre de skills efficient, qui augmentera ses capacités au combat, de transport d’équipement ou de résistance à la folie. Entre autres.

    Un aspect préparatoire qu’il ne faudra jamais négliger, comme le crafting qui vous assurera de ne pas être en berne s’il fallait enfiler le bleu de chauffe. Une composante de RPG qui sort des sentiers battus du jeu d’énigmes, lequel ne se contente pas ici d’être une suite de résolutions pour progresser.

    Jetés dans la pénombre de Oakmont, il vous restera cependant tant à découvrir. En espérant que les plongées sous-marines ne vous effraient pas…

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    A toute épreuve...

     

     




    Test The Sinking City - 9 minutes de lecture